vendredi 31 janvier 2014

Japon : abenomics, inflation, TVA et bento

Le Japon serait en déflation depuis 20 ans : ça veut dire que les prix baissent d’années en années… Je n’en suis pas bien sûr ; en tout cas sur cinq ans, je n’ai pas constaté de grand changement sur les biens de consommation courante. Mais soit, croyons le : c’est la misère, c’est la fin, pauvre Japon, décennies perdues, mais comment font-ils ?? C’est alors qu’il y a environ un an arrive au pouvoir Abe Shinzo, et son fameux programme économique (abenomics) dont le volet qui va nous intéresser est : inflation et TVA (on pourrait parler de QE, de baisse du Yen ou de sujets plus politiques mais restons ciblé).

 

L’inflation est supposée atteindre 2%(objectif officiel) et la TVA va augmenter de 5% progressivement (3% dès Avril 2014).

 

Une inflation entre 2% et 4% est considérée comme « saine » pour une économie dynamique, avec de la croissance et tout et tout. L’inflation, c’est l’augmentation des prix et normalement, les salaires suivent, c’est pour ça qu’on devraient en sortir gagnant. En revanche, la TVA, taxe sur la consommation, c’est une baisse de salaire déguisée, sauf pour les salaires assez gros qui peuvent s’investir en dehors de la consommation. Donc la TVA, c’est une baisse déguisée des petits salaires, et pratiquement indolore ; alors commet ça ne fait pas mal, vive les riches ! (Si vous voulez mon avis, dans un monde idéal, on ferait mieux de rajouter une tranche d’imposition, mais je me décharge de toute responsabilité d’un quelconque changement d’opinion, une fois riche).

 

Maintenant, le problème de l’inflation, c’est qu’elle correspond à une dépréciation de la monnaie. Si j’ai 1,000Yen et que l’inflation est à 2%, mes 1,000Yen valent 2% moins cher un an plus tard puisque les prix ont pris 2%... Donc une inflation modérée pousse à la consommation : mieux vaut consommer maintenant, après ce sera plus cher (l’argent liquide perd de sa valeur). Pourquoi pas… Cependant rien n’est très certain à court et moyen terme et certaines questions restent en suspens : (1) ça fait 20 ans qu’ils veulent de l’inflation ; pourquoi ça marcherait maintenant ? (2) Si ça marche maintenant, quel sera le rendement demandé sur les obligations émises par le gouvernement ? (3) Est-ce que les entreprises vont vraiment augmenter mon salaire, au moins du niveau observé de l’inflation ou alors vont-elle préférer augmenter leurs marges ?

 

La réponse à la question (1), personne ne la connait, on observe maintenant ce qui se passe, et plus tard, on analysera pourquoi ça a fonctionné, ou pas. Pour le moment, on est passé à environ 1%, mais ce pourrait être un effet secondaire de l’augmentation du prix des matières premières due à la baisse du Yen… Ou encore, un effet secondaire de l’augmentation annoncée de la TVA, incitant les ménages à effectuer leurs gros achats avant, poussant les prix à la hausse… Difficile à dire…

 

La question (2) est fondamentale ; les taux des obligations Japonaises sont proches de zéro, ce qui veut dire que les investisseurs (principalement institutions financières Japonaises) sont prêtes à prêter au pays pour un rendement quasi nul. Autrement dit : elles croient récupérer leurs mises au bout du compte et préfèrent un petit rendement que pas de rendement du tout. Mais elles veulent quand même que ça rapporte, un minimum. Donc, si l’inflation est à 2%, les taux ne sauraient rester en dessous de 2% (ils sont pour le moment en dessous de 1%, sur les obligations à 10 ans, expliquant pourquoi le service de la dette est soutenable).

L’augmentation des taux dans la situation actuelle (grosse grosse dette et gros gros déficits) peux mener à un défaut (faillite), comme en Grèce (ou à Chypres). Mais il y a sans doute des solutions pour que le pays s’en sorte de manière « honorable »:

(a) L’investisseur accepte un rendement négatif (les taux restent bas), (b) les déficits se réduisent (équilibre du budget grâce aux nouvelles rentrés d’argent et / ou aux baisses de dépenses) et (c) (l’hyper) inflation permet de diminuer la dette rapidement (potentiel ruine des épargnants si l’inflation est trop forte).

 

Dans tous les cas, c’est maintenant, et ce reality show est passionnant, bien qu’un peu lent : Le Japon va-t-il s’en sortir sans « haircut » sur la dette (Grèce) ou ponction des gros dépôts (Chypres) ? Pour le moment, le gouvernement prend l’argent à la base, via la TVA, mais le taux étant actuellement à 5%, c’est de l’ordre du supportable.

 

Enfin, pour la question (3), le salarié se fera dans tous les cas avoir, puisqu’il aura un an de décalage… Et je l’ai vécu : le bento (弁当) que je préfère, au sous-sol de l’endroit où je travaille est passé de 790Yen à 882Yen, entre Décembre et Janvier ! Durant la même période, ma rémunération est restée stable puisque les changements éventuels ne seront annoncés qu’en Février…



Moralité :

Parlez dès maintenant à votre employeur Japonais de l’augmentation du prix de mon bento si vous voulez avoir une chance d’être augmenté pareillement !

 

Et pour la petit histoire, la vendeuse de bento a justifié l’injustifiable par l’augmentation du prix des crevettes ; alors vu la quantité de crevettes dans la boîte, elle a bon dos la crevette… Ceci dit, les restaurateurs se sont donnés le mot, puisque toyoda (un de mes favoris) a lui aussi augmenté ses prix,…Sur des menus tous à 1,500Yen en 2013, on a maintenant quatre d’entre eux à 1,600Yen et trois à 1,700Yen. Devinez ce qui justifie cette hausse de prix selon la serveuse ? Et oui, les crevette… On ne devrait jamais mettre la parole d’un Japonais en doute : ce peuple connait le prix du poisson !!


5 commentaires:

  1. Les bento sans crevettes ont-ils augmente ?
    Existerait-ils seulement ?

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    1. En fait, celui dont je parle contient vraiment peu de crevette, amenant à penser que la société qui vend ces bento a réparti l'augmentation des prix par rapport à des critères de popularité, réduisant les marges sur les ventes de crevettes mais augmentant celles sur les produits qui se vendaient déjà bien.

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  2. Question : peut-on comparer l'economie du Japon a celle de la Grece ou de Chypre ?

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    1. La taille de l'économie est tout autre, mais un pays en faillite fait face aux mêmes réalités quelque soit sa taille... J'ai lu une analyse d'un économiste célèbre au Japon qui place le scénario de la "répression financière" comme le plus probable parmi une série de 5 évolutions possibles ; je ne connaissais pas ce terme, mais il correspond en gros à l'acceptation par les investisseurs de la dette de taux réels négatifs (mon petit (a)); un petit lien en Français: https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/publications/Revue_de_la_stabilite_financiere/2012/rsf-avril-2012/RSF16-etude-04.pdf

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  3. le menu à 1500Yen est passé à 1620, ce qui commence à être diablement cher et me parrait excessif pour une augmentation de la TVA de 3%... Quand à mon bento, il a encore augmenté, de 882Yen à 899Yen.
    1.9% d'augmentation dans un cas (mais après un petit 11.6% dû au morceau de crevette qui se cachait), et 8% dans l'autre.
    (c'est un échantillon non représentatif, bien sûr)

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