mercredi 2 juin 2010

Esprit de finesse ou de géométrie?

Je vais parler, bien sûr, des Japonais.

L'idée de synesthésie entre language et pensée s'est imposé à moi comme une évidence dès mes premières semaines en Angleterre, durant l'été 2005, où j'avais l'impression très vive de créer, en m'exprimant en anglais, une seconde personnalité qui n'avait rien à voir avec la première.

Comme si les moyens qu'on a à sa disposition pour s'exprimer déterminaient la structure de la pensée, et ce serait logique, puisqu'il parrait, même si ça n'a jamais été clair pour moi, que la parole est nécessaire pour élaborer la pensée.

Bien, arrêtons nous sur une phrase de Japonais qui depuis quelque jours, à force d'être relu, ne cesse de m'étonner : "使用を控えていただければと思います" (shiyou wo hikaete itadakereba to omoimasu). Mot à mot, brutalement : "utilisation wo si vous pouviez réduire to je pense". Ce "si vous pouviez réduire" est en fait mis à la forme que je crois être la plus poli, et se traduirait donc plutôt par : "si vous pouviez vous donner la peine de réduire"... Mais continuons :

En faisant passer ça dans une petite matrice de transformation linguistique, on obtient : "si vous pouviez réduire l'utilisation [de l'appareil considéré, de l'action en cours], ... Je pense". L'utilisation de quoi ? C'est à déterminer suivant le contexte. Mais il manque tout de même quelque chose : que pense donc le Japonais quand il dit "je pense"? En fait, il est sous entendu qu'il pense qu'il serait heureux. Nous avons, donc, en fait :

"Si vous pouviez réduire l'utilisation [contexte], je pense que je vous en saurais gré." Et en vérité, il ne s'agit pas de réduire quoi que ce soit, le locuteur souhaite en fait que l'interlocuteur arrête tout simplement d'utiliser ce qu'il est en train d'utiliser. La phrase française finale serait donc : "Je vous saurais gré d'arrêter ce que vous faites", et le Japonais dit : "Si vous pouviez vous donner la peine de freiner l'utilisation, je pense que..."

Ainsi, il n'est pas rare que je passe cinq ou dix minutes bien pesées sur certaines phrases qui m'échappent, car, vous l'aurez compris, j'ai parlé ici de la forme, mais les problèmes de fonds sont eux aussi légion, comme j'ai déja eu l'occasion de l'exposer.

Esprit de finesse...

2 commentaires:

  1. quelle langue étonnante tout de même. J'adore la façon que tu as de raconter toutes ces petites subtilités.

    nana

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  2. Remarquable analyse...

    Bartholomé Diaz

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