C'est en écoutant Renaud qu'une pensée soudaine m'a traversé : je ne sais pas ce qui révolte les Japonais. Robert Legrain disait : "Dis moi ce qui t'énerve, je te dirai qui tu es." Je ne sais pas dans quelle mesure cette proposition est vrai, mais je suis sûr que chaque être humain porte en lui une révolte de quelque chose : l'Injustice pour les enfants, la misère pour les adolescents, le "système" pour les bofs, le fait d'être mis sur le fait accompli pour mon papa, les stylos qui bavent pour moi, la richesse des très riches pour la classe moyenne, et un peu de tout ça pour les Français...
Je n'ai peut-être pas parlé à assez de Japonais, ni de choses assez profondes, et c'est tout à fait normal étant donné deux faits : d'abord, je commence à peine à pouvoir parler de choses un tant soit peu "intéressante" (et je dis ça sans fausse modesti, je suis loin d'être satisfait de ce que je sais dire), et dans tous les cas, les conversations en Japonais suivent souvent des schémas logiques dont on peine à sortir : on commence par parler du temps, puis on répond aux questions — il y en a une quizaine — et si on passe cette étape avec brio, on danse, parce qu'on est en boîte, on va parler à d'autres gens, parce qu'on est en soirée, ou on se tait pour écouter ceux qui savent mieux parler...
Les Japonais ont l'air complètement dociles, obéissants, gentils, travailleurs ; et le gaijin s'arrête bien souvent là, ayant l'impression d'avoir compris, ou, en tout cas, d'avoir compris assez, puis il véhicule une image de ce peuple dans un discours qu'on à peine à contredire tellement les apparances lui donne raison. Je ne parle pas, bien sûr, des touristes qui eux restent assez peu de temps au pays pour pouvoir faire de leur impressions des clichés, ou pour vérifier les clichés par leurs impressions.
Mon conseil, c'est d'écouter les touristes qui vous raconteront un voyage, lire les livres qui essayent de comprendre, et prendre par des pincettes les gens qui vous disent avoir vécu au Japon et vous expliquent ce que sont les Japonais. Bien sûr, je ne m'inclue pas dans ce dernier groupe, puisque qu'une des raisons d'être de ce blog est de dire, petit à petit, ce que je comprends de ce pays, et puisque ma capacité de compréhension des choses et des êtres n'a d'égale que la précaution avec laquelle je formule un jugement de valeur.
Il n'est pas nécessaire de poser une question à laquelle on aimerait bien avoir une réponse, il suffit de se poser cette question et d'attendre. J'ai fait cette expérience de nombreuses fois : l'esprit est assez bien fait pour naturellement amener le sujet dont on a envi de parler, de manière quasi inconsciente.
C'est pourquoi, étant donné le fait qu'une question (de plus) est maintenant posé dans mon réceptacle cervical, le lecteur assidu en aura probablement la réponse dans les mois qui viennent ; et si Camus avait été Japonais, aurait-ce été l'absurdité du monde qui l'aurait fait se révolter ?
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